mardi 12 février 2013

Passionné par l’Histoire naturelle : Le Camus de Limare

Michel-Louis Le Camus, dit « de Limare », du nom d’un hameau de la commune de Crestot, canton de Neubourg, arrondissement de Louviers (Eure), serait né en 1736, fils d’un fabricant de draps de Louviers. Son acte de baptême n’a pas été retrouvé aux Archives départementales de l’Eure, berceau de toute sa famille. Il vint habiter à Paris, sur la paroisse Saint-Eustache. Intéressé dans les affaires du roi concernant l’exploitation des ressources du sous-sol (mines d’argent, de plomb, de charbon) et doué de connaissances en mécanique et en métallurgie, il présenta, après un voyage en Angleterre, un projet de création d’une manufacture de doublage en cuivre pour la protection des carènes des vaisseaux de guerre, qui fut autorisé par arrêt du Conseil du 23 avril 1782. Le but était d’affranchir la France du tribut qu’elle payait à l’Angleterre pour la fourniture de tous les cuivres laminés et martelés.


C’est ainsi que furent créées les fonderies de Romilly-sur-Andelle (Eure), sur l’emplacement de trois moulins à fouler le drap, au pied de la côte des Deux-Amants, bénéficiant des chutes nombreuses de la petite rivière qui se jette dans la Seine, auxquelles on demandait la force motrice pour les puissantes machines que réclamait la nouvelle industrie. Jusqu’au commencement de 1785, cette manufacture ne fut qu’une faible entreprise qu’un nommé Chauvet, du Havre, soutenait de son crédit. Eugenio Izquierdo de Ribera (1745-1813), naturaliste et diplomate espagnol, désirant sauver son ami d’une déroute annoncée, s’adressa aux frères Le Couteulx, banquiers à Paris, et aux frères Lefebvre, négociants à Rouen, pour obtenir des capitaux et du crédit. C’est alors que Le Camus vendit sa riche bibliothèque. 
L’établissement devint bientôt prospère et put fournir, non seulement tous les cuivres pour les constructions de la marine royale, mais encore des planches légères en cuivre laminé pour couvrir les toits, des fonds plats et ronds pour casseroles, marmites et chaudières, des planches pour gravure, flaons pour monnaies, etc. Le Camus acheta l’horloge et les cloches de la Bastille, peu après sa chute, chez un chaudronnier du faubourg Saint-Antoine, et les installa à la fonderie. Celle-ci connut une nouvelle période difficile pendant l’année 1793. Tandis que la plupart des Le Couteulx étaient emprisonnés, Le Camus mourut le 27 nivôse an II [16 janvier 1794].



Le Camus de Limare avait fait imprimer un catalogue de sa bibliothèque pour son usage personnel. Tiré à 15 ou 20 exemplaires, ce catalogue était tellement succinct qu’il ne pouvait s’en servir que pour le récolement matériel de la bibliothèque : Catalogue des livres de M. L.C.D.L. Distribué par ordre Alphabétique des noms d’Auteurs ([Paris], [Didot l’aîné], 1779, in-12, 150 p.).



Pour sauver son entreprise, il fut obligé de vendre cette collection qui avait été formée aux ventes Gaignat, Lemarié, Randon de Boisset, Paris de Meyzieu, Gouttard et La Vallière : Catalogue de livres rares (Paris, G. Debure fils aîné, 1786, in-8, xij-259-[1 bl.]-26 p., 1.812 lots). C’était l’une des belles bibliothèques de particulier qui furent vendues depuis un demi-siècle. Elle était riche, surtout en Histoire naturelle et en exemplaires extraordinaires. La plus grande partie des livres avaient été reliés par Derome « le jeune » et par les plus habiles relieurs de Londres.

Prévue à partir du lundi 13 mars 1786, la vente eut lieu en l’une des salles de l’hôtel de Bullion, rue Plâtrière, à partir du lundi 20 mars :

3. Vetus Testamentum juxta septuagenta ex autoritate Sixti V. Pont. Max. editum, graecè (Romae, Zanetti, 1586, in-fol. Ch. Mag. m. r. l. r.). Superbe exemplaire d’un livre très rare en grand papier. A été acheté 299 liv. 19 s. à la vente Gouttard. Adjugé 399 liv. 19 s.
7. Biblia Sacra vulgatae editionis, tribus tomis distincta (Romae, ex Typographia Apostolica Vaticana, 1590, in-fol. Ch. Mag. m. r.). Superbe exemplaire d’un livre de la plus grande rareté. Porte sur la couverture les armes de Sixte V. Adjugé 1.210 liv.
32. Ars moriendi : opus, si structuram spectes, nullius momenti ; sed quod ab eo Typographia, Ars nobilissima, exordium sumpserit, multi pretii. Laurentius Joann. Costerus, civis Harlemensis, excudebat, ut aiunt, circa annum reparatae salutis humanae (1440, in-4, m. r. dent. doub. de tab. dans une boîte de m. r.). De la plus belle conservation. Acheté 1.610 liv. à la vente La Vallière (n° 591). Adjugé 1.280 liv.
458. Plantes peintes à gouache, par Cl. Aubriet (in-fol. m. r.). Recueil de 30 plantes peintes d’après nature. Acheté 1.100 liv. à la vente La Vallière (n° 1.544). Adjugé 1.200 liv.
663. Recueil d’oiseaux, peints par Cl. Aubriet (in-fol. m. r.). Contient 56 feuillets de vélin collés sur papier, représentant 92 oiseaux. Acheté 2.400 à la vente La Vallière (n° 1.618). Adjugé 2.500 liv.



782. Caroli Clerck icones insectorum rariorum, cum nominibus eorum trivialibus, locisque e C. Linnaei syst. nat allegatis (Holmiae, 1759, in-4 m. violet dent. doub. de tabis). A appartenu à Mariette (Cat. estampes, p. 377). Adjugé 720 liv. à Dincourt d’Hangard.
783. Caroli Clerck Aranei Suecici, descriptionibus & figuris aeneis illustrati, ad genera subalterna redacti, speciebus ultra LX determinati, suecicè & latinè (Stockholmiae, Laur. Salvius, 1757, in-4, m. violet dent. doub. de tabis). Acheté 370 liv. 19 s. à la vente Gouttard (n° 274). Adjugé 600 liv. à Dincourt d’Hangard.



875. Papillons, plantes & fleurs, peints par Cl. Aubriet (53 f. vélin, in-fol. m. r.). 28 f. représentent des plantes avec leurs fruits, et les 26 autres 97 papillons mâles et femelles et un assez grand nombre de papillons en coques, en chenilles et en chrysalides. Acheté 3.000 liv. 10 s. à la vente La Vallière (n° 1.677). Adjugé 3.430 liv.
884. Locupletissimi rerum naturalium collectio, per Albertum Seba (4 vol. in-fol. m. r.). Cet ex., qui ne contient que les fig. de ce superbe ouvrage, est on ne peut pas plus précieux. Il a été peint par les soins et sous les yeux de Gronovius, célèbre naturaliste, d’après tous les objets (animaux, oiseaux, serpents, coquillages, etc.) qui composaient le célèbre cabinet de Seba, son ami. Adjugé 4.600 liv. à Mérigot le jeune.
1.049. Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts & des métiers (Paris, Briasson, 1751, 33 vol. in-fol. fig. Gr. Pap. m. r. de Derome). Adjugé 2.900 liv.
1.215. Les Métamorphoses d’Ovide en latin, avec des gravures par B. Picart (Amsterdam, Wetstein, 1732, 2 tomes rel. en 1 vol. in-fol. très Gr. Pap. m. viol.). Les exemplaires imprimés sur ce format sont très rares. Acheté 800 liv. à la vente Gouttard. Adjugé 842 liv.
1.248. Œuvres de Nicolas Boileau Despréaux (Amsterdam, Dav. Mortier, 1718, 2 vol. in-fol., Gr. Pap., fig. de B. Picart, br. en cart.). Extraordinairement rare. Cet ex. est le premier qu’on ait vu en France exposé en vente : il est d’autant plus précieux, qu’il est broché, sans être rogné. Voir Debure, Bibliographie instructive (n° 3.163). Adjugé 2.402 liv.
1.265. Canti XI, composti dal Bandello de le lodi de la S. Lucretia Gonzaga di Gazuelo, e del vero amore, col tempio di pudicita (Agen, per Ant. Reboglio, 1545, in-8, Ch. Mag. rel. à compartiments, doub. de tab. l. r.). Superbe ex. d’un livre très rare. Acheté 600 liv. 12 s. à la vente Gaignat. Adjugé 400 liv.
1.313. Les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse (Londres, R. Dodsley, 1738, 2 vol. in-8, fig.). Superbe ex. d’un livre très rare, relié à Londres en tabis couleur de cerise, doublé de même, avec dentelles. Renfermé dans une boîte de m. r. doublé de tabis. Adjugé 260 liv.
1.380. Collectiones peregrinationum in Indiam Orientalem & in Indiam Occidentalem, XXV partibus comprehensae (Francofurti ad Moenum, Typis Jo. Wecheli, sumptibus vero Theodori de Bry, anno 1590, & annis seq., 21 vol. in-fol. m. viol. du Levant,dent. doub. de tabis). Superbe ex., peut-être le plus complet qui existe, relié par Derome. Vendu par Debure 2.400 liv. et relieur 1.200 liv. Adjugé 4.802 liv. pour le Roi : Debure lui a présenté à Versailles le 30 avril 1786.
1.527. C. Cornelii Taciti opera recognovit (Parisiis, Lud. Franc. Delatour, 1771, 4 vol. in-4, Ch. Mag. m. r.). Superbe exemplaire relié à Londres par Baumgarten. Adjugé 900 liv.
1.545. Les très Elégantes, très Véridiques & Copieuses Annales des très preux, très nobles modérateurs des belliqueuses Gaules, compilées par Nicole Gilles (Paris, Galliot du Pré, 1525, 2 vol. in-fol. goth. m. r.). Superbe ex. imprimé sur vélin, avec 14 miniatures. Acheté 802 liv. à la vente La Vallière. Adjugé 531 liv.
1.548. Histoire de France, par Mezeray (Paris, Matth. Guillemot, 1643, 3 vol. in-fol., Gr. Pap., fig. mar. viol.). Superbe ex. de Gouttard. Adjugé 725 liv.




1.568. Pompa introitûs Ferdinandi Austriaci, Hispaniarum infantis, Belgarum & Burgundionum gubernatoris, in urbem Antverpiam XV. Kal. Maii anno 1635 (Antverpiae, veneunt exemplaria apud Theodorum a Tulden, qui iconum tabulas ex Archetypis Rubenianis delineavit & sculpsit, 1641, in-fol. m. r.). Imprimé sur vélin. Seul livre entièrement illustré par Rubens. Acheté 1.700 liv. à la vente La Vallière (n° 5.335). Adjugé 1.825 liv.




1.729. Georgii Agricolae de Mensuris & Ponderibus Romanorum atque Graecorum libri V (Basileae, Froben, 1550, in-fol. v. f. à compartiments). Superbe exemplaire de Grolier. Adjugé 35 liv. 19 s.
1.738. Recueil de peintures antiques, imitées fidèlement pour le trait, d’après les dessins coloriés faits par Pietro Sante Bartoli par MM. le comte de Caylus & Mariette (Paris, 1757) – La Mosaïque de Palestrine, expliquée par M. l’abbé Bathelemy (1760). In-fol. Gr. Pap. mar. viol. dent. doub. de tab. Ex. de la plus grande beauté. Tiré à 30 ex. Acheté 2.272 liv. à la vente Gouttard (n° 1.495). Adjugé 1.200 liv.         
       
Pendant que se faisait la vente de cette bibliothèque, Antoine-Augustin Renouard raconta, en 1819, avoir vu de ses propres yeux « son propriétaire acheter chez Belin junior, et chez d’autres libraires, vingt, trente volumes à la fois, de livres rares et fort chers ».
François Belin (1754-1797), dit « junior », vendait surtout des livres anciens, rares et précieux, plus particulièrement des livres d’histoire naturelle. Il avait acheté en 1782 le fonds de Jean-Gabriel Cressonnier sous le nom duquel il exerça quai des Augustins, entre le pont Saint-Michel et la rue Gît-le-Cœur, maison de la Marchande de modes, au premier, avant d’être reçu libraire en 1787.
Aussi, après la mort de Le Camus fut faite une vente avec un nouveau Catalogue des livres rares et précieux, reliés en maroquin, de la bibliothèque de feu le C. Camus de Limaire [sic] (Paris, Santus, an III [1794], in-8, 58 p.). Antoine Santus, libraire de 1767 à 1800, était alors installé rue de la Harpe. La vente commença le 11 pluviose an III [30 janvier 1795] dans une des salles de la maison Bullion, rue Jean-Jacques Rousseau (Ier) depuis 1791, ancienne rue Plâtrière.    


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire