mardi 14 janvier 2014

Les Premiers Ex-Libris français : définitions et classement.

« Ex libris » [sans trait d’union] est une expression latine signifiant littéralement « des livres de ». Par métonymie, l’« ex-libris » [avec trait d’union], nom masculin, que les Anglais appellent « bookplate », est une étiquette volante, ou mieux, une vignette volante, que les bibliophiles collent sur le contreplat supérieur des reliures de leurs livres, et qui les désigne, textuellement ou figurément.

La place des ex-libris ne peut être que dans les livres, permettant le rattachement des livres à leurs propriétaires, la reconstitution de leurs bibliothèques dispersées et l’évocation de leurs personnalités : « C’est que, collés aux livres, les ex-libris sont vivants, et que, réunis en tas, ils sont morts. » (Henri Bouchot. Les Ex-Libris et les Marques de possession du livre. Paris, Édouard Rouveyre, 1891, p. 17).

Tandis que les bibliophiles français privilégiaient la reliure et faisaient mettre leurs armes ou leur chiffre sur les plats [« reliures aux armes et/ou au chiffre »], ou bien leurs noms ou initiales, avec ou sans devise, sur le plat supérieur, ou plus rarement sur les deux plats, voire sur le dos pour les initiales [« super ex-libris » *], les bibliophiles allemands, qui faisaient peut-être plus de cas de la valeur intrinsèque du livre que de son habillement, recoururent à l’ex-libris intérieur pour attester leur possession. C’est ainsi que l’ex-libris est né d’abord en Allemagne.

* les expressions « super-libris », « supra-libros », « super libros » et « supra libros » sont incorrectes.  



Le plus ancien des ex-libris allemands incunables conservés est celui de Hans Knabensberg, surnommé « Igler » (de « Igel », hérisson), aumônier de la famille Schönstett, en Bavière : gravée sur bois entre 1450 et 1480, cette vignette mesure 143 x 210 mm., et représente un hérisson qui broute un gazon fleuri ; au-dessus de l’animal une banderole porte l’inscription « Hanns Igler das dich ein Igel küss ». Deux exemplaires sont conservés au Cabinet des médailles de Munich.

Dès 1918, dans L’Intermédiaire des chercheurs et curieux (N° 1479. Vol. LXXVII. Col. 311), Georges Saffroy donna, d’après les notes de son père, la liste des « sept plus anciens ex-libris français imprimés, avec leurs dates approximatives :
1515. Cardinal de Tournon, né en 1489.
1528. Jean Bertrand (ou Bertaud) de La Tour-Blanche, né en 1502.
1541. Nicolas de Lescut, jurisconsulte, né à Nancy, vers 1500.
1544. Wolfrart, dit Conrad de Lycosthènes, de Schelestadt (Alsace) ; né en 1518.
1558. Désiré Buffet, dijonnais. Daté 1558.
1574. Ch. d’Alboise, d’Autun. Pièce typographiée datée 1574.
1580. Cardinal de Larochefoucault, abbé de Tournus, né en 1558. »




L’ex-libris de Nicolas de Lescut est un « travail incontestablement allemand, que son titulaire put commander pendant qu’il représentait à la diète de Spire (1541) le duc de Lorraine Antoine dont il était secrétaire. » (A. Poulet-Malassis. Les Ex-Libris français depuis leur origine jusqu’à nos jours. Paris, P. Rouquette, 1875, p. 3)



Le blason de l’ex-libris historié alsacien de Conrad Wolfhart (1518-1561), dit « Lycosthènes », de Rouffach (Haut-Rhin), professeur de philosophie morale et d’histoire à Bâle, collé sur la garde d’un ouvrage publié à Bâle en 1550, a été gravé sur un métal mou (plomb ou étain) et mesure, sans les inscriptions, 110 x 75 mm. (Auguste Stœber. Petite revue d’ex-libris alsaciens. Mulhouse, veuve Bader et Cie, juillet 1881, p. 29-30)
L’ex-libris de François de La Rochefoucauld-Randan (1558-1645), abbé de Tournus, qui naquit à Paris et mourut cardinal, était considéré comme le premier ex-libris français armorié, dont la date pouvait se déterminer entre les années 1575 et 1584. Il porte la mention « Ex bibliotheca ». (F. S. L’Ex-Libris de F. de La Rochefoucauld, abbé de Tournus. Paris, L. Joly, 1896)    

Aujourd’hui, les plus anciens ex-libris français connus, dans les limites géographiques de la France du xvie siècle, sont, chronologiquement :




1. L’ex-libris de Fausto Andrelini (1461-1518), établi à Paris en 1488, imprimé avec un bois gravé sur la page de garde d’un livre édité en 1496. Il représente un pin déraciné, avec un écu suspendu à une branche portant une fleur de lis et une pomme de pin, une devise « . Spes . mea . Deus . » sur un listel et, comme une signature, « B f ».
Timbre humide avec un bois gravé, non encadré. Un seul exemplaire, conservé à la Bibliothèque de Yale.

2. L’ex-libris héraldique de François de Tournon, archevêque d’Embrun (Hautes-Alpes). 
Timbre humide avec un bois gravé, non encadré, ou vignette ? Un seul exemplaire, perdu.





3. L’ex-libris de Jacques Thiboust (1492-1555), seigneur de Quantilly (Cher), notaire et secrétaire du Roi, gravé sur bois, avec sa devise « Lex et Regio », son nom anagrammatisé « Qui voyt s’esbat » et ses armes : « au 1 et 4, d’azur, à une étoile-comète d’or, qui est de Villemer ; au 2 et 3, d’or, à deux perroquets adossés de sinople, membrés et becqués de gueules, qui est de Rusticat ; sur le tout, d’argent à la fasce de sable, chargé de trois glands attachés à leurs coupettes et branchettes d’or, accompagné de trois feuilles de chêne de sinople, deux en chef, une en pointe ». Il est imprimé au verso du titre d’un livre des coutumes du Berry, publié à Lyon en 1517.
Timbre humide avec un bois gravé, non encadré. Plusieurs exemplaires, conservés à la Bibliothèque municipale de Bourges.




4. L’ex-libris de Jean Bertaud (1502-1572), né à La Tour-Blanche (Dordogne), collé sur le revers de la reliure d’un traité de linguistique latine publié à Paris en 1529. Il mesure 142 x 94 mm., avec les inscriptions, et la gravure sur bois, de 80 x 57 mm., représente saint Jean avec son aigle et, à l’arrière-plan, la bête à sept têtes de l’Apocalypse. Dans le haut, les inscriptions indiquent le nom et les titres de Jean Bertaud, suivis d’un distique adressé au lecteur, promettant à boire à celui qui, en cas de perte, rapportera ce livre, et se terminent par la devise « Bon vouloir ».
Vignette gravée sur bois, encadrée, avec texte typographié. Un seul exemplaire, conservé à la Bibliothèque municipale de Périgueux. Serait donc le plus ancien ex-libris, « stricto sensu ».



5. Un deuxième ex-libris de Jacques Thiboust, également gravé sur bois, portant une inscription, imprimé au recto du premier feuillet du « Terrier de Quantilly », manuscrit de 1543.
Timbre humide avec un bois gravé, encadré. Plusieurs exemplaires, conservés aux Archives départementales du Cher.



6. L’ex-libris de Désiré Buffet, prieur des Carmes de Dijon, gravé sur bois aux environs de 1558, est imprimé sur ou au revers du titre des livres. Il représente un cœur surmonté d’une croix, dans lequel sont inscrits trois lobes renfermant une étoile, une larme et une croix, avec autour, l’inscription « .Gaudia.post fletu.tua Christe.parit. », et au-dessous, la signature « DBuffet ».
Timbre humide avec un bois gravé, circulaire. Plusieurs exemplaires, conservés à la Bibliothèque municipale de Dijon.




7. L’ex-libris de Jean Gaudon, de Moulins (Allier), lieutenant-général au domaine de Bourbonnais, mesure 18 x 67 mm., est daté de 1570 et est imprimé sur le volume même, à la fin. Il porte la mention « Ex libris ».
Timbre humide avec un composteur, non encadré. Un seul exemplaire. Il correspond plutôt à ce qu’on appelle aujourd’hui la mention d’un exemplaire nominatif.




8. L’ex-libris de Charles d’Ailleboust, évêque d’Autun (Saône-et-Loire), mesure 45 x 85 mm. et porte, sur quatre lignes : « Ex Bibliotheca Caroli Albosij, E.Eduensis. Ex labore quies. 1574. ».
Étiquette imprimée, non encadrée. Plusieurs exemplaires.




Dans les limites géographiques de la France d’aujourd’hui, l’ex-libris de Martin et Melchior Ergersheim, de Sélestat (Bas-Rhin), occupe la 5e place. Collé le plus souvent au-dessous des colophons des volumes, il porte une inscription en latin : « J’appartenais à M. Martin Ergersheim Archiprêtre & Recteur. Son frère & héritier Melchior me légua à l’église Notre-Dame de Sélestat. » La date de 1535 qui lui est attribuée est celle de la donation. 
Étiquette imprimée, non encadrée. Plusieurs exemplaires, conservés à la Bibliothèque humaniste de Sélestat. 














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