jeudi 11 septembre 2014

Les Deux Bibliothèques des Le Fèvre de Caumartin



Famille originaire du Ponthieu, où se trouvait la seigneurie de Caumartin, sur la commune de Crécy-en-Ponthieu [Somme], les Le Fèvre avaient pour armes : d’azur, à cinq trangles [fasces rétrécies qui n’ont que le tiers de la largeur ordinaire et qui sont en nombre impair] d’argent.




Louis Le Fèvre, seigneur de Caumartin et de Boissy-le-Châtel [Seine-et-Marne], baron de Saint-Port [i.e. Seine-Port, Seine-et-Marne], vicomte de Rue [Somme], né en 1552, fut conseiller au Parlement de Paris en 1579, maître des requêtes en 1585, président au Grand Conseil en 1587, intendant de Poitou en 1588 et de Picardie en 1590, secrétaire du roi Henri IV en 1594. Bien que bègue, il n’avait pas « la langue empêchée » et déploya beaucoup d’habileté dans les négociations qui lui furent confiées. Il devint garde des sceaux en 1622, mais mourut le 21 janvier 1623. Il fut inhumé dans une chapelle de l’église Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe]. Il avait épousé, en 1582, Marie Miron, morte le 4 juin 1645, fille de Marc Miron, seigneur de l’Hermitage, conseiller du Roi, et de Marie Gentien, d’une famille de l’échevinage de Paris. De cette union sont issus quatre fils et deux filles, dont : Louis, qui a continué la descendance ; Jacques, auteur de la branche des seigneurs de Saint-Port et de Cailly [Seine-Maritime], éteinte en 1729 ; François, évêque d’Amiens, qui hérita de sa bibliothèque.



Château de Boissy (Seine-et-Marne)

Louis Le Fèvre, deuxième du nom, seigneur de Caumartin et de Boissy, né le 12 mai 1586, fut d’abord abbé de Saint-Quentin-en-l’Isle [Aisne] en 1600, puis conseiller au Grand Conseil en 1608, maître des requêtes en 1614, intendant en Picardie et conseiller d’État. Il mourut d’apoplexie le 16 août 1624, alors qu’il se rendait à Venise, comme ambassadeur de France. Il avait épousé Marie Lhuillier, morte sans enfant, fille de Geoffroy Lhuillier, seigneur de Malmaison et d’Orgeval, et de Claire Faucon de Ris, puis, le 25 avril 1622, Madeleine de Choisy, morte le 18 septembre 1672, fille de Jean de Choisy, seigneur de Balleroy, et de Madeleine Le Charon. Il eut un fils unique de ce second mariage, Louis-François.



Château de la fée d'Argouges (Calvados)


Louis-François Le Fèvre, seigneur de Caumartin, de Boissy, d’Argouges [commune de Vaux-sur-Aure, Calvados], né le 16 juillet 1624, fut reçu conseiller au Parlement de Paris en 1644, puis maître des requêtes en 1653. Le Roi le nomma en 1665 commissaire pour la tenue des grands jours d’Auvergne à Clermont, puis intendant en Champagne et en Brie en 1667, conseiller d’État de semestre en 1672, conseiller d’État ordinaire en 1685. Ce fut sous sa direction que le généalogiste Charles-René d’Hozier (1640-1732) dressa et publia la Recherche de la noblesse de Champagne (Chaalons, Jacques Seneuze, 1673, 2 vol. in-fol.). Ami du cardinal de Retz, il fut son conseil et son agent pendant les troubles de la Fronde. Il mourut d’apoplexie le 3 mars 1687. Sa bibliothèque, héritée de son oncle François, alla à l’évêque de Blois, son fils. Il avait épousé : le 10 novembre 1652, Marie-Urbaine de Sainte-Marthe, morte le 15 janvier 1654, fille unique de Nicolas de Sainte-Marthe, seigneur du Fresne [commune de Authon, Loir-et-Cher] , lieutenant-général de Poitiers, et d’Urbaine de Launay, dame d’Onglée, sa seconde femme ; le 22 février 1664, Catherine-Madeleine de Verthamon, morte le 28 octobre 1722 et inhumée aux Minimes de la Place Royale à Paris, fille de François de Verthamon, baron de Bréau, conseiller d’État, et de Marie Boucher d’Orsay. Du premier lit, il eut Louis-Urbain. Du second lit, il eut 4 garçons et 5 filles, dont : Louis-François et Jean-François-Paul.




Louis-Urbain Le Fèvre de Caumartin, dit « le Grand Caumartin », marquis de Saint-Ange  [commune de Villecerf, Seine-et-Marne], comte de Moret [Seine-et-Marne], est né à Châlons-en-Champagne [Marne] en 1653. Élevé par les soins du célèbre Fléchier, il fut nommé conseiller au Parlement en 1674, maître des requêtes en 1682, intendant des finances en 1690 et conseiller d’État en 1697.



Château de Saint-Ange vers 1720





Château de Saint-Ange aujourd'hui

Il mourut en sa résidence de campagne, le château de Saint-Ange [appelé château de Challeau jusqu’en 1627], bâti à partir de 1540 par François Ier pour la duchesse d’Étampes, le 2 décembre 1720, après s’être acquis dans l’administration de la justice et des finances une haute réputation de savoir et d’intégrité ; la bibliothèque du château contenait alors 3.362 titres.
On lui doit la conservation des Mémoires du cardinal de Retz et ceux de Guy Joly. Nicolas Boileau Despréaux (Satire XI) a dit de lui et de deux autres personnages, illustres par leur sévère probité :

« Chacun de l’Équité ne fait pas son flambeau,
Tout n’est pas Caumartin, Bignon, ni Daguesseau ; »
(« Satire XI. À Mr. de Valincour, conseiller du Roy en ses Conseils, Secrétaire Général de la Marine, & des Commandemens de Monseigneur le Comte de Toulouze. » In Satires et œuvres diverses de M. Boileau Despréaux. Paris, Rollin, 1757, p. 90)





Ce fut dans son château de Saint-Ange, où il avait rassemblé une riche bibliothèque et dont il avait transformé presque toutes les salles en une sorte de musée qui lui rendait toujours présents les souvenirs historiques dont sa mémoire était remplie, que Voltaire commença La Henriade ; le philosophe a dit du magistrat, qu’il eut tant de plaisir à écouter :

« Caumartin porte en son cerveau
De son temps l’histoire vivante ;
Caumartin est toujours nouveau
À mon oreille qu’il enchante ;
Car dans sa tête sont écrits
Et tous les faits et tous les dits
Des grands hommes, des beaux esprits,
Mille charmantes bagatelles,
Des chansons vieilles et nouvelles,
Et les annales immortelles
Des ridicules de Paris. »
(« Epitre XIII. À M. le prince de Vendôme, grand prieur de France » [1716]. In Œuvres complètes de Voltaire. S. l., Imprimerie de la Société littéraire-typographique, 1785, t. XIII, p. 33)

Caumartin avait épousé, le 6 juin 1680, Marie-Jeanne Quentin de Richebourg, l’amie de Madame de Sévigné et de leurs voisins d’Époisses [Côte-d’Or], les Guitaut, décédée le 21 mai 1709, fille unique de Charles Quentin, seigneur de Richebourg, baron de Saint-Ange, maître des requêtes, et de Marie Feydeau de Brou. Il en eut quatre enfants morts jeunes.

Louis-François Le Fèvre de Caumartin, deuxième du nom, seigneur de Boissy-le-Châtel, né le 3 mars 1665, fut reçu conseiller au Grand Conseil en 1686, et maître des requêtes en 1694. Le Roi le nomma intendant du commerce en 1708. Il mourut le 13 juillet 1722, et fut inhumé à Saint-Nicolas-des-Champs, à Paris, en la chapelle de ses ancêtres. Il avait épousé, le 19 octobre 1695, Charlotte Bernard, morte le 28 août 1708, à l’âge de 28 ans. Ils eurent trois enfants, dont Antoine-Louis-François.




Jean-François-Paul Le Fèvre de Caumartin, né à Châlons-en-Champagne le 16 décembre 1668, d’abord chevalier de Malte, pourvu ensuite, sur la demande du cardinal de Retz, son parrain, de l’abbaye de Buzay [Rouans, Loire-Atlantique]. Il fut docteur de Sorbonne et doyen de la cathédrale de Tours. Il fut reçu en 1694 l’un des quarante de l’Académie française. C’est lui qui fut chargé de la réponse au discours de réception de l’évêque de Noyon, M. de Clermont-Tonnerre, qui avait une si haute idée de son propre mérite et de sa naissance : le discours de Caumartin, modèle de persiflage déguisé sous une louange exagérée, déplut à Louis XIV. Puis il fut nommé membre honoraire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Ce fut le Régent qui le nomma successivement à l’évêché de Vannes en 1717, et au siège épiscopal de Blois en 1719.


Ex-libris avant 1719

Ex-libris après 1719

Fer de reliure de son demi-frère Louis-Urbain, modifié par l'ajout d'une mitre et d'une crosse

Super ex-libris de l'évêque de Blois
Il avait hérité de la bibliothèque de son père, Louis-François, premier du nom, l’avait enrichie et lui adjoignit la collection de son prédécesseur, David-Nicolas Berthier (1652-1719), premier évêque de Blois. Il mourut à Blois le 30 août 1733. Son éloge fut prononcé à l’Académie des inscriptions, par De Boze.




Après avoir été conservée par quatre membres de la famille, la bibliothèque fut vendue, sur l’ordre de son héritière, sa sœur Madeleine-Charlotte-Émilie, veuve depuis 1725 de Jacques de La Cour, seigneur de Balleroy, maître des requêtes, à partir du lundi 10 janvier 1735, au couvent des Grands Augustins : Catalogue des livres de la bibliotheque [sic] de feu Monseigneur Jean-François-Paul le Febvre de Caumartin, Evéque [sic] de Blois, &c. (Paris, Jacques Guérin et Jacques Barois fils, 1734, in-12, xj-[1 bl.]-3-[1 bl.]-647-[1] p., 6.612 lots).

« La Bibliothéque dont nous donnons le Catalogue, n’a pas besoin de recommandation : toutes les personnes de lettres en connoissent le mérite, & les grands hommes qui l’ont formée, font son éloge.
Le premier qui en jetta les fondements, fut Louis le Févre de Caumartin. […]
Cette Bibliothéque passa entre les mains de François le Févre de Caumartin son fils, qui fut Evêque d’Amiens. […]
Louis François le Fevre de Caumartin fut le troisieme qui posseda cette Bibliothéque. […]
Après sa mort cette Bibliothéque vint enfin à feu M. l’Evêque de Blois son second fils [du second lit], Jean François Paul le Fevre de Caumartin, né à Paris le 16. Decembre 1668. » [sic] (« Avertissement », p. 1-2)    



Le catalogue comprend sept parties : théologie (lots 1-1.365), jurisprudence (lots 1.366-2.420 = 1.055 lots), sciences et arts (lots 2.421-3.048 = 628 lots), « humanitez » (lots 3.048* [l. e. doublé]-3.858 = 811 lots), histoire (lots 3.859-6.180 = 2.322 lots), « livres obmis » (lots 6.181-6.321 = 141 lots) et manuscrits (lots 6.322-6.612 = 291 lots). La vente produisit environ 30.000 livres.

On doit y ajouter la vente des livres qui se trouvaient dans le palais épiscopal de Blois : Catalogus librorum qui extant in bibliotheca illustrissimi ecclesiae principis D. D. de Caumartin, episcopi Blesensis (Blesis, P.-J.Masson, 1734, in-8, 62 p., env. 1.400 lots).
  
Antoine-Louis-François Le Fèvre de Caumartin, marquis de Saint-Ange, comte de Moret [en vertu de la substitution faite à son profit, et pour sa postérité de mâle en mâle, par Louis-Urbain, son oncle], naquit le 6 septembre 1696. Il fut reçu conseiller au Parlement de Paris en 1719, maître des requêtes en 1721, et conseiller au Grand Conseil en 1722 ; fut nommé ensuite rapporteur du point d’honneur au Tribunal des maréchaux de France, puis président au Grand Conseil en 1742, conseiller d’État en 1745, et premier président au Grand Conseil en 1747 ; il mourut le 14 avril 1748. Il avait hérité de la bibliothèque de son oncle, et avait épousé, le 18 août 1722, Élisabeth de Fieubet, dame de Cendré et de Ligny, morte le 29 août 1764, fille de Paul de Fieubet, seigneur de Cendré, de Laussac et de Beauregard, maître des requêtes, conseiller au Conseil de Régence, et d’Angélique-Marguerite de Fourcy, fille de Henri de Fourcy, conseiller d’État. Cinq enfants sont provenus de ce mariage, dont :



Antoine-Louis-François Le Fèvre de Caumartin, deuxième du nom, marquis de Saint-Ange, comte de Moret, né le 30 juillet 1725, nommé conseiller au Grand Conseil en 1746, maître des requêtes en 1749, président au Grand conseil en 1751, intendant des Trois Evêchés en 1754,  de Flandre et d’Artois en 1756, conseiller d’État, chancelier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis en 1771 et prévôt des marchands de 1778 à 1784.



Il avait hérité de la bibliothèque de son père. Sentant la Révolution approcher, il avait donné une importante partie de ses biens à son fils Marc-Antoine. Il mourut en avril 1803. Il avait épousé, le 30 juin 1749, Geneviève-Anne-Marie Mouffle, morte le 25 janvier 1763, fille de Jean-Simon Mouffle, receveur-général des finances, et de Geneviève-Marie Brochet de Pontcharrot. De ce mariage est issu Marc-Antoine.

Marc-Antoine Le Fèvre de Caumartin de Saint-Ange, né le 14 mars 1751, fut conseiller au Parlement en 1775, maître des requêtes en 1777 et intendant de Franche-Comté en 1783. Sorti de France en 1792 pour prendre les eaux à Bristol, la Révolution le décréta immigré et ses biens furent saisis – château de Saint-Ange, mobilier, collections et bibliothèque –, et vendus en 1797 ; le château tomba sous le marteau. Il mourut à Londres le 31 août 1803. Avec lui finit la descendance masculine des Le Fèvre, seigneurs de Caumartin, marquis de Saint-Ange, comtes de Moret, barons de Saint-Port.
















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